Comme chaque année, la Loi de financement de la Sécurité Sociale et la Loi de Finances apportent leur lot de changements pour l’année à venir. Certaines mesures concernent directement les exploitants agricoles. En voici un panorama…


Le dispositif « TO-DE »

Les exploitants agricoles bénéficient, jusqu’à présent, d’une exonération des cotisations patronales relatives aux travailleurs occasionnels (embauchés en CDD) ou aux demandeurs d’emplois (employés en CDI par un groupement d’employeurs exerçant certaines activités agricoles). Ce dispositif est couramment appelé « TO-DE » (pour « travailleurs occasionnels-demandeurs d’emploi »).

Parce que les exploitants agricoles sont éligibles au renforcement de la réduction générale des cotisations sociales (encore parfois appelée « réduction Fillon »), le Gouvernement entendait supprimer ce dispositif TO-DE. Cependant, l’Assemblée Nationale a proposé, en réponse, d’aménager ce dispositif sur 2 ans pour accompagner sa suppression au profit de l’allègement général.

Et c’est précisément ce qui a été retenu.

Pour rappel, les exploitants agricoles sont exonérés des cotisations patronales (maladie, maternité, invalidité, vieillesse, décès et allocations familiales) dues au titre des assurances sociales pour les travailleurs occasionnels qu’ils emploient. Seuls sont, toutefois, visés les travailleurs occasionnels qui réalisent des tâches temporaires liées :

  • au cycle de la production animale et végétale (notamment culture et élevage, conchyliculture, pisciculture, activités de pêche maritime à pied professionnelle) ;
  • aux travaux forestiers (exceptés ceux réalisés par des entreprises de travaux forestiers) ;
  • aux activités de transformation, de conditionnement et de commercialisation de produits agricoles lorsque ces activités, accomplies sous l’autorité d’un exploitant agricole, constituent le prolongement direct de l’acte de production.

Cette exonération est totale pour une rémunération mensuelle inférieure ou égale à 1,25 Smic. Elle est nulle lorsque le salaire atteint 1,5 Smic. Pour une rémunération supérieure à 1,25 Smic, mais inférieure à 1,5 Smic, l’exonération est dégressive.

A compter du 1er janvier 2019, les exploitants agricoles pourront bénéficier d’une exonération des cotisations patronales dues au titre :

  • de l’assurance maladie, maternité, invalidité, vieillesse, décès ;
  • des allocations familiales ;
  • des accidents du travail et des maladies professionnelles ;
  • des contributions Fnal ;
  • des contributions affectées à la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie ;
  • des régimes de retraite complémentaire légalement obligatoires ;
  • des contributions d’assurance chômage.

Pour les rémunérations dues au titre des périodes commençant au 1er janvier 2019, l’exonération est totale pour une rémunération mensuelle inférieure ou égale à 1,2 Smic et devient nulle lorsque la rémunération mensuelle atteint 1,6 Smic.

Lorsqu’elle est dégressive, l’exonération est déterminée selon la formule suivante :

1,2 × C ÷0,40 × (1,6 × Smic mensuel ÷ rémunération mensuelle brute hors heures supplémentaires et complémentaires – 1)

« C » est égal à la somme des cotisations patronales dues au titre des assurances sociales et des allocations familiales.

Néanmoins, cet aménagement du dispositif TO-DE prendra fin au 1er janvier 2021, au même titre que les autres dispositifs d’allègement des cotisations sociales des salariés agricoles qui sont supprimés au profit du dispositif de la « réduction Fillon » étendue.


Le dispositif ACCRE

Les travailleurs indépendants qui créent ou reprennent une entreprise peuvent prétendre à un dispositif d’exonération de cotisations sociales, les travailleurs ayant opté pour le régime micro (micro-BIC ou micro-BNC) bénéficiant d’une prolongation de ce dispositif d’exonération.

En revanche, les exploitants agricoles ayant opté pour le régime micro (micro-BA) ne pouvaient pas bénéficier de cette prolongation.

A partir du 1er janvier 2019, l’exonération dégressive des cotisations sociales sur une période de 3 ans, applicable au bénéficiaire de l’aide à la création ou à la reprise d’entreprise, s’appliquera aussi au profit des exploitants agricoles au régime du micro-BA.


Congé de maternité et congé de paternité des exploitants agricoles

1ère mesure : les exploitantes agricoles, qui cessent leur activité pendant au moins 8 semaines en raison de leur maternité, bénéficient, sur leur demande et sous réserve de se faire remplacer par du personnel salarié, d’une allocation de remplacement destinée à couvrir les frais de ce remplacement dans les travaux de l’exploitation agricole. Lorsque le remplacement salarié est impossible, elles bénéficient d’indemnités journalières forfaitaires dans des conditions à déterminer par Décret.

Notez, à ce titre, que l’exposition in utéro au diéthylstilbestrol permet une indemnisation au 1er jour d’arrêt.

Ces dispositions s’appliquent aux arrêts de travail débutant après le 31 décembre 2018.

2ème mesure : pendant la durée de versement de l’indemnité de maternité ou d’adoption, les exploitantes agricoles, comme certains travailleurs indépendants, bénéficieront d’un report de leurs cotisations sociales. Ces cotisations reportées pourront faire l’objet d’un plan de paiement échelonné sur 12 mois maximum (voire 24 mois en cas de circonstances exceptionnelles).

3ème mesure : lorsque l’état de santé de l’enfant nécessite son hospitalisation immédiate après la naissance dans une unité de soins spécialisée, le père et, le cas échéant, le conjoint de la mère ou la personne liée à elle par un pacte civil de solidarité ou vivant maritalement avec elle, exerçant comme exploitant agricole, bénéficie de l’allocation de remplacement pendant la période d’hospitalisation (dans la limite d’une durée maximale à prévoir par Décret).


Contrôle des cotisations sociales des exploitants agricoles

Vous devrez désormais conserver, pendant au moins 6 ans, tous les documents ou pièces justificatives nécessaires à l’établissement de l’assiette ou au contrôle des cotisations et contributions sociales. Ce délai de 6 ans commence à courir à la date à laquelle les documents ou pièces ont été établi(e)s ou reçu(e)s.

Il sera possible de les conserver sur support informatique, mais les modalités de numérisation des pièces et documents établis ou reçus sur support papier devront être fixées par un arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale.

Pour rappel, à l’issue d’un contrôle, et plus précisément après que la MSA vous a adressé une lettre d’observations, vous disposez d’un délai de 30 jours pour y répondre. Désormais, vous pourrez, au cours de ces 30 jours, demander la prolongation de ce délai. Celle-ci ne sera, néanmoins, pas admise en cas d’abus de droit ou de travail dissimulé (cette nouveauté nécessite la parution d’un Décret qui précisera les modalités d’application).

En outre, si la MSA doit vous adresser une mise en demeure avant de procéder au recouvrement des cotisations, elle pourra désormais procéder par lettre recommandée (comme c’est déjà le cas actuellement) ou par tout moyen permettant de conférer date certaine à sa réception (et donc par voie dématérialisée, notamment).

Enfin, rappelons que la MSA peut écarter les actes constitutifs d’un abus de droit. Concrètement, il s’agit de ceux qui ont un caractère fictif ou de ceux qui ont pu être inspirés par la volonté d’éluder ou d’atténuer les contributions et cotisations sociales en principe dues par le cotisant, s’il n’avait pas passé ces actes.

Lorsque la MSA estime qu’il y a abus de droit, le cotisant peut contester cette appréciation en sollicitant le comité des abus de droit (qui peut également être saisi par la MSA).

Jusqu’à présent, si le comité des abus de droit rendait un avis favorable au cotisant, et que l’affaire était portée devant le tribunal, la MSA devait prouver le bien-fondé de sa rectification. En revanche, lorsque le comité rendait un avis favorable à la MSA, il appartenait au cotisant de prouver qu’il n’avait commis aucun abus de droit.

Depuis le 1er janvier 2019, quel que soit l’avis rendu par le comité, la MSA devra supporter la charge de la preuve du bien-fondé de sa rectification en cas de réclamation.


Création de la déduction pour épargne de précaution (DEP)

Pour les exercices clos à partir du 1er janvier 2019 et jusqu’au 31 décembre 2022, la déduction pour épargne de précaution (DEP) est créée au profit des exploitants soumis à l’IR relevant d’un régime réel d’imposition.

Il s’agit d’un dispositif unique qui vient remplacer la déduction pour investissement (DPI) et la déduction pour aléas (DPA).

La finalité de ce dispositif est d’inciter les agriculteurs à se constituer une épargne afin de lutter contre les éventuelles difficultés auxquelles pourraient être confrontées leurs exploitations au cours des années suivantes.

La DEP permet aux agriculteurs qui en bénéficient de déduire annuellement de leur résultat imposable une somme qu’ils doivent épargner sur un compte bancaire (compte courant exclusivement affecté à la réception de la DEP), pour un montant compris entre 50 % et 100 % du montant de la déduction pratiquée.

Notez que le montant de cette déduction est soumis au respect d’un double plafonnement : un plafond qui varie selon le montant du bénéfice imposable réalisé par l’exploitant et un plafond qui dépend des déductions pratiquées n’ayant pas encore été rapportées au résultat.

L’exploitant pourra retirer cet argent, donc utiliser la somme déduite, à tout moment, sans conditions, au cours des 10 exercices qui suivent celui au titre duquel la déduction a été pratiquée et ce, pour faire face à des dépenses nécessitées par l’activité professionnelle. En conséquence, les sommes retirées sont réintégrées soit au titre du bénéfice imposable de l’exercice au cours duquel elles sont utilisées, soit au titre de l’exercice suivant (au choix de l’agriculteur) et sont, en conséquence, soumises à l’impôt.


Création d’un dispositif de blocage de la valeur des stocks

Jusqu’en 2005, les exploitants agricoles soumis à un régime réel d’imposition avaient la possibilité, pour la comptabilisation de leurs stocks de produits ou d’animaux, de bloquer la valeur de ces stocks en retenant celle déterminée à la clôture du 1er exercice suivant celui au cours duquel ces produits ou animaux ont été portés en stocks.

Pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2019, les exploitants agricoles soumis à un régime réel d’imposition (normal ou simplifié) pourront, s’ils le souhaitent, bloquer la valeur de leurs stocks à rotation lente de produits ou d’animaux à hauteur de la valeur déterminée à la clôture de l’exercice qui précède celui au titre duquel l’option pour le blocage est exercée. Dès lors, la valeur sera figée jusqu’à la vente des biens.


Du nouveau concernant l’imposition des GAEC

Les profits des exploitants agricoles qui proviennent d’activités accessoires, mais non agricoles (commerciales et/ou non commerciales) peuvent être imposés comme des bénéfices agricoles (et non comme des bénéfices industriels et commerciaux ou des bénéfices non commerciaux qui obéissent à des règles fiscales différentes).

Mais cela suppose toutefois que la moyenne triennale de ces recettes accessoires n’excède ni 50 % de la moyenne annuelle des recettes agricoles, ni 100 000 € de ces mêmes recettes.

La Loi de Finances pour 2019 prévoit que pour l’imposition des GAEC (groupements agricoles d’exploitation en commun), ces seuils sont à apprécier au seul niveau du groupement, contrairement à ce qui est pratiqué aujourd’hui.


L’abattement pour les jeunes agriculteurs est plafonné

A l’heure actuelle, les jeunes agriculteurs, pour le calcul de leur impôt sur les bénéfices, bénéficient d’un abattement de 50 % pour les 60 premiers mois d’activité qui peut, dans certaines hypothèses, être porté à 100 %.

A compter du 1er janvier 2019, cet abattement est plafonné de la façon suivante :

  • abattement de 75 % pour la fraction du chiffre d’affaires (CA) qui n’excède pas 43 914 € (soit 3 fois le SMIC net)
  • au-delà et pour la fraction de CA qui n’excède pas 58 552 € (soit 4 fois le SMIC net), l’abattement est plafonné à 30 %.
  • pour la fraction du CA au-delà de 58 552 € : pas d’abattement.

Notez que pour l’exercice au titre duquel la dotation d’installation aux jeunes agriculteurs (DJA – il s’agit d’une aide financière à l’installation) est inscrite en comptabilité, l’abattement est plafonné de la façon suivante :

  • abattement de 100 % (pouvant être minoré à 60 % dans certains cas) pour la fraction du chiffre d’affaires (CA) qui n’excède pas 43 914 € (soit 3 fois le SMIC net)
  • au-delà et pour la fraction de CA qui n’excède pas 58 552 € (soit 4 fois le SMIC net), l’abattement est plafonné à 60 % (30 % pour l’abattement minoré)
  • pour la fraction du CA au-delà de 58 552 € : pas d’abattement.


Taxe foncière et bâtiments agricoles

Les exploitants qui exercent une activité de nature agricole sont, par principe, exonérés de taxe foncière et de cotisation foncière des entreprises (CFE) pour les bâtiments qui sont affectés à cette activité : plus simplement, la valeur locative de ces bâtiments n’est pas prise en compte pour le calcul de la cotisation due par le professionnel.

En revanche, cette exonération ne s’applique pas lorsque les bâtiments sont affectés à une activité de nature industrielle et commerciale. Or, par principe, la production et la vente d’électricité photovoltaïques sont des activités commerciales.

Pour les impositions établies à compter du 1er janvier 2019, l’exonération de taxe foncière et de CFE pour les bâtiments affectés à l’activité agricole ne sera pas remise en cause en cas d’exercice d’une activité de production et / ou de vente d’électricité photovoltaïque.

De même, cette exonération de taxe foncière et de CFE pour les bâtiments affectés à l’activité agricole ne s’étend pas aux bâtiments affectés à des activités non agricoles (même si ces activités non agricoles sont accessoires).

Pour les impositions établies à compter du 1er janvier 2019, cette exonération d’impôts fonciers pourra s’étendre aux bâtiments affectés à des activités agricoles non accessoires à faible rendement, c’est-à-dire si la moyenne des recettes de l’activité accessoire (appréciée au titre des 3 années qui précèdent l’imposition) n’excède pas 10 % de la moyenne des recettes de l’activité totale réalisée dans le bâtiment (appréciée sur la même période).


Mesures diverses

Notez que la Loi de financement de Sécurité sociale permettra désormais, à compter du 1er janvier 2019, de recourir au titre emploi-service agricole sur l’ensemble du territoire métropolitain, sans condition d’effectif.

Initialement prévu pour prendre fin en 2019, la Loi de Finances pour 2019 proroge le crédit d’impôt pour congés des exploitants pour une durée de 3 ans, soit jusqu’au 31 décembre 2022.

De plus, pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2019, les exploitants agricoles soumis à l’impôt sur le revenu (IR) qui souhaitent passer à l’impôt sur les sociétés (IS) peuvent demander à ce que l’imposition due du fait de ce changement de régime fiscal soit étalée sur une période de 5 ans.

Enfin, à compter du 1er janvier 2019, il ne sera possible de recourir au rescrit MSA que dans le but de connaître l’application à une situation précise de la législation relative aux conditions d’affiliation aux régimes agricoles ou de la législation relative aux cotisations et contributions de sécurité sociale contrôlées par ces organismes. La Caisse se prononcera de manière explicite uniquement si la demande porte sur une question nouvelle et a un caractère sérieux.

Sources :

  • Loi n°2018-1203 du 22 décembre 2018 de financement de la Sécurité sociale pour 2019, articles 8, 10, 18, 19, 71, 72 et 73
  • Loi de Finances pour 2019, n° 2018-1317, du 28 décembre 2018, articles 51, 57, 58, 59, 126, 127, 121 et 171 et 202
  • Décret n° 2018-1357 du 28 décembre 2018 relatif aux modalités d’application de certains dispositifs d’exonérations ciblées de cotisations sociales, article 1

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