La Loi relative à la lutte contre la manipulation de l’information, dite « Loi anti-fake news », qui a été officiellement publiée le 23 décembre 2018, contient de nombreux dispositifs qui vont intéresser les opérateurs de plateforme en ligne et le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA). Voici un panorama des mesures à connaître…


Loi « anti-fake news » : des obligations pour les plateformes en ligne

La Loi prévoit que, pendant les 3 mois précédant le 1er jour du mois d’élections générales et jusqu’à la date du tour de scrutin où celles-ci sont acquises, les opérateurs de plateforme en ligne sont tenus :

  • de fournir au lecteur une information loyale, claire et transparente sur l’identité de la personne ou de la société qui verse à la plateforme des rémunérations en contrepartie de la promotion de contenus d’information se rattachant à un débat d’intérêt général ;
  • de fournir au lecteur une information loyale, claire et transparente sur l’utilisation de ses données personnelles dans le cadre de la promotion d’un contenu d’information se rattachant à un débat d’intérêt général ;
  • de rendre public le montant des rémunérations reçues en contrepartie de la promotion de tels contenus d’information lorsque leur montant est supérieur à un seuil qui reste à déterminer.

Toutes ces informations sont agrégées au sein d’un registre mis à la disposition du public par voie électronique, dans un format ouvert, et régulièrement mis à jour au cours de la période précitée.

Ces mêmes opérateurs de plateforme en ligne doivent mettre en œuvre des mesures en vue de lutter contre la diffusion de « fake news » susceptibles de troubler l’ordre public ou d’altérer la sincérité d’un des scrutins.

Le dispositif mis en place doit être facilement accessible et visible pour permettre aux utilisateurs et lecteurs de signaler de telles informations, notamment lorsque celles-ci sont issues de contenus promus pour le compte d’un tiers.

Les opérateurs de plateforme en ligne doivent également mettre en œuvre des mesures complémentaires pouvant notamment porter sur :

  • la transparence de leurs algorithmes ;
  • la promotion des contenus issus d’entreprises et d’agences de presse et de services de communication audiovisuelle ;
  • la lutte contre les comptes propageant massivement de fausses informations ;
  • l’information des utilisateurs et lecteurs sur l’identité des personnes ou des sociétés leur versant des rémunérations en contrepartie de la promotion de contenus d’information se rattachant à un débat d’intérêt général ;
  • l’information des utilisateurs et lecteurs sur la nature, l’origine et les modalités de diffusion des contenus ;
  • l’éducation aux médias et à l’information.

Ces mesures, ainsi que les moyens qu’ils y consacrent, doivent être rendues publiques. En outre, chaque opérateur adresse chaque année au Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) une déclaration dans laquelle sont précisées les modalités de mise en œuvre desdites mesures.

Sachez également que les opérateurs de plateforme en ligne qui recourent à des algorithmes de recommandation, de classement ou de référencement de contenus d’information se rattachant à un débat d’intérêt général doivent publier des statistiques sur leur fonctionnement. Sont mentionnées pour chaque contenu :

  • la part d’accès direct, sans recours aux algorithmes de recommandation, de classement ou de référencement ;
  • les parts d’accès indirects imputables, d’une part, à l’algorithme du moteur de recherche interne de la plateforme, le cas échéant et, d’autre part, aux autres algorithmes de recommandation, de classement ou de référencement de la plateforme qui sont intervenus dans l’accès aux contenus.

Ces statistiques sont publiées en ligne et accessibles à tous, dans un format libre et ouvert.

Par ailleurs, le CSA peut faire des recommandations aux opérateurs de plateforme en ligne afin de lutter contre la manipulation de l’information. Les opérateurs de plateforme en ligne ont l’obligation de suivre ces recommandations.

Enfin, les opérateurs de plateforme en ligne doivent désigner un interlocuteur référent sur le territoire français dans le cadre de la lutte contre les « fakes news ».

Notez que seuls les opérateurs de plateforme en ligne dont l’activité dépasse un seuil qui sera déterminé par un Décret non encore paru à l’heure où nous rédigeons cet article seront concernés par les obligations précitées.


Loi « anti-fake news » : une procédure judiciaire rapide

La Loi prévoit une intervention possible du juge : pendant le même délai de 3 mois précité, lorsque des allégations ou imputations inexactes ou trompeuses d’un fait de nature à altérer la sincérité d’un scrutin à venir sont diffusées de manière délibérée, artificielle ou automatisée et massive par le biais d’un service de communication au public en ligne, le juge peut imposer toutes mesures proportionnées et nécessaires pour faire cesser cette diffusion.

Le juge peut prendre ces mesures à la demande du ministère public, de tout candidat, de tout parti ou groupement politique ou de toute personne ayant intérêt à agir. Il doit se prononcer dans un délai de 48 h à compter de la saisine. En cas d’appel, il se prononce dans un délai de 48 heures à compter de la saisine d’appel.


Loi « anti-fake news » : le rôle du Conseil supérieur de l’audiovisuel

Pour rappel, pour pouvoir diffuser un service de radio ou de télévision, une société doit signer une convention avec le CSA. Cette convention fixe les obligations que doit respecter la société.

La Loi anti fake-news prévoit que le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) peut rejeter la demande tendant à la conclusion de la convention (précitée si la diffusion du service de radio ou de télévision comporte un risque grave d’atteinte aux intérêts suivants :

  • la dignité de la personne humaine,
  • la liberté et la propriété d’autrui,
  • le caractère pluraliste de l’expression des courants de pensée et d’opinion,
  • la protection de l’enfance et de l’adolescence,
  • la sauvegarde de l’ordre public,
  • les besoins de la défense nationale,
  • les intérêts fondamentaux de la Nation (dont le fonctionnement régulier de ses institutions).

Il en est de même lorsque la diffusion du service, eu égard à sa nature même, constitue une violation de la Loi.

Notez que, lorsque la conclusion de la convention est sollicitée par une société contrôlée par un Etat étranger ou placée sous l’influence de cet Etat, le CSA peut, pour apprécier la demande, tenir compte des contenus qu’elle-même ou ses filiales éditent sur d’autres services de communication au public par voie électronique.

Par ailleurs, qu’il s’agisse de lutter contre les « fake news », de sanctionner les services de diffusion d’informations et de contenus qui portent atteinte aux intérêts précités (dignité humaine, liberté et propriété d’autrui, protection de l’enfance, etc.), le CSA dispose d’un pouvoir de sanctions : suspension de la diffusion du service, résiliation unilatérale de convention, saisine du juge pour faire cesser les informations en question, etc.

Ce pouvoir de sanction s’applique dans les mêmes conditions dans le cadre d’un service de diffusion ayant fait l’objet d’une convention conclue avec une société contrôlée par un Etat étranger ou placée sous l’influence de cet Etat.

Source : Loi n° 2018-1202 du 22 décembre 2018 relative à la lutte contre la manipulation de l’information

Loi « anti-fake news » : de quoi ça parle ? © Copyright WebLex – 2019